Fondements historiques et théoriques - Pascal Patry - Psychothérapie, Anthroposophie et Accompagnement personnel

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Fondements historiques et théoriques

Une lente reconnaissance du trauma dans le champ clinique

L’histoire de la psychotraumatologie est jalonnée de luttes, d’éclipses et de redécouvertes. Elle révèle combien le traumatisme psychique a été longtemps ignoré ou mal interprété, avant d’être progressivement intégré dans la compréhension du fonctionnement humain. Cette évolution a été marquée par des figures fondatrices comme Janet, Freud, Ferenczi, et plus récemment Frankl.



Des origines médicales à la naissance du concept

À la fin du XIXe siècle, le traumatisme commence à être étudié dans le cadre d’accidents de chemin de fer, d'abord sous l’angle de l’atteinte organique. On parle de "névroses traumatiques", en lien avec les troubles cardiaques et neurologiques observés chez les victimes. Mais très vite, des médecins comme Myers observent que des soldats effondrés ne présentent aucune lésion physique : ce sont les effets émotionnels intenses de l’expérience de guerre qui provoquent des symptômes durables. C’est le début de la reconnaissance d’un trauma purement psychique.



Pierre Janet et la théorie de la dissociation

C’est Pierre Janet qui va véritablement poser les bases de la clinique du traumatisme psychique. Il observe chez ses patientes des troubles dits "hystériques" qu’il relie à des événements de vie effractants. Il décrit des phénomènes d’amnésie, de reviviscences, de somatisations, qu’il attribue à une incapacité du sujet à synthétiser ses expériences. Il parle de "désagrégation" ou de "dissociation" psychique : certains contenus mentaux sont mis à l’écart de la conscience parce qu’ils sont trop douloureux à intégrer.

Janet propose une vision dynamique du psychisme : plus le sujet est submergé par l’émotion, plus ses capacités mentales se fragmentent, laissant apparaître des symptômes dissociatifs. Il considère que la dissociation n’est pas un signe de faiblesse morale, mais la conséquence d’un état de "misère psychologique". Ces idées seront longtemps occultées, mais redécouvertes dès les années 1980 dans les travaux modernes sur le PTSD.



Freud, Ferenczi et la psychanalyse naissante

Freud s’intéresse également à l’hystérie et reprend, dans ses premières œuvres, les thèses de Janet sur la dissociation. Il postule que des souvenirs douloureux, liés à des traumatismes précoces, sont refoulés dans l’inconscient. Il théorise la "névrose traumatique", mais finit par se détourner de l’idée d’un trauma réel pour privilégier l’hypothèse de désirs inconscients, ce qui orientera la psychanalyse vers l’étude du fantasme au détriment de la réalité des violences subies.

Ferenczi, disciple critique de Freud, rompt avec cette orientation. Il affirme la réalité des traumatismes, notamment sexuels, dans l’enfance. Il introduit la notion de "confusion de langue", pour décrire la manière dont l’enfant, vulnérable et en quête de tendresse, est souvent confronté à une violence dévastatrice qu’il ne peut ni comprendre ni symboliser. Il met aussi en évidence des mécanismes de survie comme l’identification à l’agresseur, et ouvre la voie à une écoute plus empathique du traumatisme précoce.



Une reconnaissance tardive du PTSD

Il faut attendre la fin du XXe siècle pour que les troubles liés au traumatisme psychique soient officiellement reconnus. Après la guerre du Vietnam, les psychiatres américains décrivent les manifestations de stress post-traumatique chez les anciens combattants. Le terme PTSD entre dans les classifications diagnostiques. La clinique du trauma devient un champ à part entière, étendu à d'autres contextes : catastrophes, agressions, violences conjugales, abus sexuels, etc.

Cette reconnaissance scientifique permet de faire évoluer les pratiques thérapeutiques, mais elle relance aussi le débat sur la nature du traumatisme : est-il un choc unique ou une série d’expositions prolongées ? Est-il uniquement un désordre neurobiologique ou un bouleversement existentiel ? Ces questions traversent aujourd’hui toute la psychotraumatologie.



L’apport de Viktor Frankl

Viktor Frankl, psychiatre rescapé des camps, introduit une perspective nouvelle : celle du sens. Pour lui, l’homme peut survivre à l’horreur non pas en l’effaçant, mais en lui trouvant une signification. Son approche, la logothérapie, insiste sur la liberté intérieure, même dans les pires conditions. Elle offre une réponse complémentaire aux approches médicales : le trauma ne détruit pas nécessairement le sujet, il peut aussi être le point de départ d’un travail de transformation, à condition que le sens ne soit pas perdu.

Article :  La Logothérapie



L’histoire du psychotraumatisme est donc celle d’une lente émergence. Elle a évolué d’une approche biologique et stigmatisante vers une compréhension plus fine des processus psychiques. Elle a aussi réhabilité la parole des victimes, et ouvert un champ thérapeutique centré sur l’écoute, la reconnaissance, et la reconstruction du lien à soi.
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