Typologie des traumatismes
Une diversité des formes, des temporalités et des atteintes
En psychotraumatologie, la diversité des traumatismes impose une approche fine et différenciée. Tous les chocs psychiques ne se valent pas : certains sont brefs et isolés, d’autres répétés et durables. Certains affectent le corps, d’autres l’estime de soi, la mémoire, la relation à l’autre, ou même le développement de la personnalité. La typologie permet de mieux comprendre la gravité des effets, les mécanismes en jeu, et les stratégies de prise en charge à privilégier.
Traumatismes de type I et type II
Les traumatismes de type I désignent les événements uniques, soudains et circonscrits dans le temps, comme un accident de voiture, une agression isolée, un attentat ou un accouchement traumatique. Ils génèrent une effraction brutale du sentiment de sécurité, souvent accompagnée de sidération, de reviviscences et de troubles du sommeil. Ces formes sont les plus “classiques” du point de vue diagnostic, et peuvent donner lieu à un trouble de stress post-traumatique identifiable.
Les traumatismes de type II concernent les expositions prolongées ou répétées à des violences : abus sexuels, violences conjugales, séquestration, maltraitance infantile, harcèlement. Le sujet est exposé à une situation de menace chronique qui attaque l’estime de soi, érode la confiance, perturbe durablement la structure psychique. Ce type de traumatisme débouche souvent sur des symptômes plus diffus, moins facilement reconnaissables, et tend à désorganiser les capacités de régulation émotionnelle et relationnelle.
Le traumatisme développemental
Le traumatisme développemental concerne des expériences vécues durant les périodes critiques de l’enfance, parfois dès les tout premiers mois de vie. Ce sont des vécus de négligence, d’insécurité chronique, de caregiving défaillant ou de violence précoce. L’enfant, dépendant de figures d’attachement insécurisantes ou maltraitantes, ne peut construire une image stable de lui-même, des autres et du monde. Il développe alors des schémas cognitifs rigides, une grande réactivité émotionnelle et une difficulté à mettre en place des stratégies de coping efficaces.
Ce type de traumatisme affecte non seulement la sphère psychique, mais aussi le développement neurobiologique, la mémoire implicite, les circuits de stress, et le rapport au corps. Il est souvent à l’origine de troubles de l’attention, d’addictions, de troubles alimentaires, de conduites à risque ou de répétitions traumatiques dans les relations adultes.
Traumatismes collectifs, transgénérationnels et historiques
Certains traumatismes dépassent le cadre individuel. Les catastrophes naturelles, les accidents collectifs, les conflits armés ou les migrations forcées exposent des populations entières à des pertes, à la destruction du cadre de vie, au déracinement. Ces événements peuvent provoquer des vagues massives de souffrance psychique, avec des impacts sur la cohésion sociale et les transmissions intergénérationnelles.
Dans ces contextes, le trauma n’est pas seulement ce qui est vécu, mais aussi ce qui est tu, occulté, non élaboré par la génération précédente. Le traumatisme transgénérationnel se transmet alors sous forme d’angoisses diffuses, de silences pesants, ou de comportements paradoxaux chez les descendants, souvent sans que les faits aient été clairement identifiés.
Traumatismes précoces (les “1000 premiers jours”)
Les traumatismes survenant durant la grossesse ou les deux premières années de vie ont un impact profond sur le développement émotionnel et neurologique. Même en l’absence de souvenirs explicites, ces vécus laissent une trace dans la mémoire implicite, perturbent la régulation émotionnelle, et fragilisent la construction du sentiment de sécurité.
Ils peuvent résulter d’une exposition à la violence, mais aussi d’un stress maternel intense, d’un lien d’attachement instable, ou d’une absence de co-régulation. Leur prise en charge demande des approches spécifiques, souvent non verbales, centrées sur l’expérience corporelle et la sécurisation du lien.
Cette typologie, loin d’être exhaustive, montre combien le traumatisme peut prendre des formes multiples. Reconnaître cette diversité, c’est déjà commencer à adapter la réponse thérapeutique. Derrière chaque type de traumatisme, il y a un être humain qui tente de survivre, de comprendre, et de se reconstruire.